Lorsque s’expriment nos émotions, comment formuler les mots justes pour en parler ? Comment notre regard se précise t-il par l’échange collectif ?
Cinéaste de profession, Pilar Arcila s’est frottée à ces questions durant trois demi-journées, accompagnant une dizaine d’enfants et adolescents, de 11 à 19 ans, à l’observation, à l’échange, et à la sélection de films.
Le 31 octobre, 7 et 14 novembre, dans le cadre de la seconde édition « Lecture par Nature », l’association Polly Maggoo, mobilisée sur le secteur Est Étang-de-Berre, proposait un « atelier de programmation cinéma » au Pôle Culturel Jean-Claude Izzo de Châteauneuf-les-Martigues.
« Je leur ai précisé très tôt que l’on était pas en train de « primer », car tous les films ont une grande qualité », Pilar Arcila, cinéaste.
Les trois premières séances, consacrées à l’échange de points de vue face au visionnage de films, ont permis aux participants d’échanger avec la professionnelle Pilar Arcila, quant aux techniques et formes cinématographiques employées pour aborder un sujet. « La sélection a été réalisée par Serge (cf. Directeur de l’association Polly Maggoo), ensuite on s’est réunis trois après-midis et on a discuté de ce que l’on pouvait voir dans un film au niveau de la technique, de l’image et du son ; mais aussi du lien entre eux », a précisé la cinéaste. « Après, j’ai surtout accompagné leur réflexion, essayé de les faire parler, car ça n’a pas toujours été évident », précise tendrement Pilar Arcila face à son auditoire.
Ayant pour thème commun celui de la biodiversité et du développement durable, les quatorze propositions de films oscillaient entre science, poésie et imaginaire. Pour ce « jury jeune éco-citoyen », le but était, in fine, d’effectuer une sélection présentée lors d’une projection restitution cinésciences, ouverte à tous, programmée au 17 novembre dernier. « Je leur ai précisé très tôt que l’on était pas en train de « primer », car tous les films ont une grande qualité, il s’agissait uniquement de leur sensibilité, de partager ce qu’ils avaient aimé », poursuit la cinéaste. Lors de la quatrième et dernière séance, le « jury » a présenté à la salle, la sélection de trois courts-métrages. « Ils ont dû sélectionner mais également imaginer l’agencement entre les films. Pendant ces séances, on pensait à vous, au fait qu’une projection un peu trop “noire” pouvait laisser un drôle de goût à la fin », finit par avouer la cinéaste.
« C’est aussi ça qui est intéressant, le fait que ça vous ait parlé à ce point, sans que ce soit parlant », Serge Dentin, Directeur de l’association Polly Maggoo.
Les trois films ayant piqué la sensibilité de notre jury composé de cinq garçons âgés de 11 à 19 ans sont les suivants : Planet Z, de Momoko Seto, artiste, plasticienne, cinéaste d’origine Japonaise, Copier-Cloner, de Louis Rigaud, graphiste et illustrateur multimédia français, et Les Anges déchets, de Pierre Trudeau, réalisateur Canadien. Comme souligné par Serge Dentin, directeur de Polly Maggoo : « Les films sélectionnés sont uniquement des films expérimentaux, on parle de ”films d’artistes” », avant d’ajouter : « Il n’y a aucun film qui parle. Copier-cloner, par exemple, est composé de texte, personne ne prend la parole. Mais c’est aussi ça qui est intéressant, le fait que ça vous ait parlé à ce point, sans que ce soit parlant. »
Un à un, les enfants se sont exprimés sur la sensibilité de leur choix final. « Je trouvais que le fait de faire un film sur ce qui se retrouve dans la nature et qui marche encore était un choix de sujet intéressant », formule l’aîné du groupe, âgé de 19 ans, à propos du film Les Anges déchets, avant de laisser la parole à Ethan : « On s’est dit que le graphisme était joli, et pour moi ça représentait la nature évoluer », à propos de Planet Z , premier court-métrage diffusé. « Dans Planet Z, par exemple, Momoko Seto ne cherche pas particulièrement à faire passer de message, ce qui l’intéresse, c’est peut-être quel film vous, vous vous êtes fabriqués, qu’est-ce que ça amène comme questions chez vous, a ajouté Serge Dentin. Dans votre sélection, je ne pense pas qu’il y ait des films qui essaient de vous imposer un message. Cette “place du spectateur” est importante, c’est-à-dire parvenir à formuler ses propres questionnements, pouvoir, chacun, chacune, se faire son propre film ».
« C’est en baissant les bras que cela va finir par tous nous tuer », Ethan, 11 ans.
Intervenante avec l’association Polly Maggoo depuis 2017, Emilie Villar, docteure en sciences environnementales, était présente pour répondre aux questions que les films ont pu soulever, et a questionné les jeunes du jury afin qu’ils partagent leur vision de l’éco-citoyenneté. « Copier-Cloner, est-ce que ça vous inquiète ? Quel est le message, pour vous ? », demande-t-elle à son jeune jury. « Ça donne l’image que l’on n’a plus de diversité dans les animaux. On ne se rend pas compte de tous les médicaments que l’on avale lorsqu’on mange une tranche de steak », rétorque l’un des membres du jury. « Et comment vous imaginez le futur ? On baisse les bras ? », lance-t-elle aux cinq garçons, se heurtant à un « Non ! » unanime du jury, étoffé, par l’un des membres, âgé de 11 ans : « C’est en baissant les bras que cela va finir par tous nous tuer, que l’espèce humaine et les animaux seront rayés de la carte ! ».
Après ces interactions, d’autres films ont été projetés, poursuivis par de nombreux échanges autour des pratiques de tournage et de projection d’un film.
Cet atelier de programmation cinéma signe la fin des événements pensés par l’association Polly Maggoo pour la seconde édition de « Lecture par Nature ».
Jessica Tonin
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