Après une balade scientifique sous une averse ininterrompue, le long du Canal de Marseille au Rhône, à Marignane, le 27 octobre dernier, Jérôme Mazas, paysagiste et intervenant sur l’évènement, s’est plié au jeu de nos questions. Rencontre.

Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?

« Oui bien sûr ! Je suis paysagiste-concepteur depuis 1990. J’ai toujours été attiré par « l’autre » et mon métier je ne l’envisage qu’à travers ce prisme.

Pour moi l’altérité est l’élément fondateur de mon travail : j’ai tout de suite souhaité travailler dans les milieux urbanisés comme les quartiers denses, là où les besoins en « attentions humaines» sont les plus importants. Mais quand j’en ai marre des humains, je travaille aussi à la renaturation d’espaces sensibles comme des plages ou des espaces de nature. Je croise ces deux thèmes de travail en permanence pour apporter le plus d’ « éléments de nature » dans les espaces les plus urbanisés. Je crois en une écologie croisée entre des lieux hyper-denses et les éléments naturels, et, pour cette raison, je travaille en permanence avec le monde des écologues et les chercheurs en sociologie urbaine. A l’inverse je ne cherche pas à amener de la densité (humaine) dans les espaces de nature : la nature a besoin de tranquillité pour résister à l’humain. »

« La nature a besoin de tranquillité pour résister à l’humain »

Parlez-nous de votre participation et implication au sein du projet « Lecture par Nature » …

« Cette journée fut ma première implication dans ces journées « Lecture par Nature ». Je trouve le titre évocateur et l’idée de partager nos regards sur le sujet d’un monument artificiel construit dans un milieu dans lequel la nature tente de se ré-installer, et ce, avec des passionnés et d’autres personnes ayant une approche différente de la mienne… Cette idée m’a séduite.

L’historien et le géologue présents ce jour-là nous ont raconté de belles histoires sur la fabrication de ce lieu. Je pense que tout l’intérêt de cette lecture à un instant donné, de l’usage que l’on fait d’un élément du paysage, c’est de le remettre en perspective pour qu’il soit dynamique dans nos représentations « 

« Le regard du paysagiste ouvre des questions sur le sens donné aux actions futures sur un territoire »

Quel est l’apport et l’expertise supplémentaire que vous avez pu apporter à cet évènement, en tant que paysagiste ?

« Plutôt qu’une expertise je pense que le regard du paysagiste ouvre des questions sur le sens donné aux actions futures sur un territoire. Dans le cas du canal du Rove ce qui m’intéresse c’est son devenir, redonné aux éléments sauvages avec la question de ses abords qui se détériorent, ou aménagé, pour préserver son intégrité tout en permettant à l’humain de le parcourir en toute sécurité, ou bien, un peu des deux. Encore une fois, je préfère le partage humain/nature. »

« L’art interroge la science qui est elle-même un questionnement incessant » 

Quel est votre avis concernant la rencontre entre l’art et la science ?

« Je pense que cette rencontre de l’un et de l’autre est indissociable : l’art interroge la science qui est elle-même un questionnement incessant ; la science nous interroge sur sa capacité à mieux comprendre le monde mais surtout à construire une meilleure manière de nous comporter envers ce monde. La Nature : une humanité plus digne d’être sur terre, une aide à mieux nous « naturaliser » pour éviter de nous « artificialiser » davantage. »

Propos reccueillis par Jessica Tonin